Nous sommes dans un extérieur qui porte des mondes intérieurs.
P. Sloterdijk, Bulles (...), 2010, p. 31
L'espace jadis intime, symbolique, parcouru par un unique motif, s'ouvre dans le neutre divers et multiple où la liberté n'est préservée qu'au prix de l'étrangeté, de l'indifférence et de la pluralité.
P. Sloterdijk, Bulles (...), 2010, p. 58
Dans le langage de tous les jours, nous confondons joyeusement espace, lieu, site, endroit, ici, là, terrain, territoire, étendue, longueur, environnement, milieu, nature, paysage, site... Généralement, ces termes servent à désigner des emplacements plus ou moins précis, emboités les uns dans les autres. Leur classement se fait, curieusement, selon une hiérarchie dont la clef est l'ordre de l'espace... espace est plus grand que lieu, et l'emboîte, alors que le lieu emboîte à son tour le site ; ce dernier enveloppe le « ici » qui introduit une notion de temps et s'oppose au « là-bas », nettement plus flou mais appartenant quand même au lieu ou au site ; le plus petit entre dans le plus grand à la manière des poupées russes. Ce classement, s'il est d'un usage aisé et répond à l'utilisation vernaculaire dans sa simplicité expéditive, offre la structure tautologique qui plait si fort au sens commun, car elle est inattaquable ; en effet, les espèces d'espaces obtiennent pour seule définition d'être classés selon leur étendue relative, c'est-à-dire selon l'espace.
A. Cauquelin, Le site et le paysage, 2002, p.74
(Deux moments d'espace) De quoi s'agit-il? D'une répartition des propriétés spatiales entre deux pôles opposés : l'un appartenant à l'étendue – c'est l'espace géométrique, général qui permet de définir une position – et l'autre référant à un ensemble plus complexe, en temps, milieu et espace — c'est le propre, qui définit une singularité. Ces deux pôles s'opposent dans le discours, par exemple, une succession bien formée de propositions et l'interruption d'images qui viennent trouer cette succession. Concepts contre métaphore. Espace géométrique contre lieu propre.
A. Cauquelin, Le site et le paysage, 2002, p.75
Il y a espace dès qu'on prend en considération des vecteurs de direction, des quantités de vitesse et de variable de temps. L'espace est un croisement de mobiles. Il est en quelque sorte animé par l’ensemble des mouvements qui s'y déploient. Est espace l'effet produit par les opérations qui orientent, le circonstancient, le temporalisent et l'amène à fonctionner en unité polyvalente de programmes conflictuels ou de proximités contractuelles. L'espace serait au lieu ce que devient le mot quand il est parlé, c'est-à-dire quand il est saisi dans l'ambigüité d'une effectuation, muée en un terme relevant de multiples conventions, posé comme l'acte d'un présent (ou d'un temps), et modifié par les transformations dues à L’espace est un croisement de mobile, des voisinages successifs. À la différence du lieu, il n'a donc ni l'univocité ni la stabilité d'un « propre ».
M. de Certeau, L'invention du Quotidien. Art de faire. 1990, p.173
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