Démontage de l'exposition Inlandsis, la disparition d'un imaginaire
Ma maîtrise s'achève, toutefois mes réflexions se poursuivent. Toujours à la recherche de nouvelles combinatoires matérielles (plusieurs procédés, méthodes et matières), ma pratique se développe dans la multiplicité. Mon mémoire et mon projet d'exposition présentent les traces de cette méthode de travail.
L'intention de départ de cette recherche était de reconfigurer ma pratique de l'image et du livre d'artiste. Sortir de l'image sans dénaturer mes questionnements. Comment se fabriquent une image, une idée? Comment donne-t-on forme et sens à l'espace qui nous entoure pour faire représentation? Comment les éléments en viennent-ils à s'entredéterminer, à se définir comme un ensemble? Comment les interfaces (outils) et les types de surface participent-ils à la fabrication et à la perception d'une image?
Ses questions ont orienté la recherche vers une réflexion sur la fabrication de l'image-paysage. Par l'exploration de la matérialité des images, des formes et des discours ainsi que de possibles représentations du paysage, je me suis intéressée au processus d'hybridation mis en oeuvre dans ma pratique. Par la répétition d'éléments simples (lignes, plis, formes) et de gestes émerge la représentation d'un espace virtuel au seuil entre l'espace réel et imaginé.
Ses questions ont orienté la recherche vers une réflexion sur la fabrication de l'image-paysage. Par l'exploration de la matérialité des images, des formes et des discours ainsi que de possibles représentations du paysage, je me suis intéressée au processus d'hybridation mis en oeuvre dans ma pratique. Par la répétition d'éléments simples (lignes, plis, formes) et de gestes émerge la représentation d'un espace virtuel au seuil entre l'espace réel et imaginé.
Mon mémoire s'attarde sur les processus de création et de réflexion ayant mené au projet. C'est tout d'abord par la notion de mouvement relative à l'intentionnalité de la recherche en atelier que j'ai introduite la forme métanarrative du texte. Autoréflexion sur des temporalités variables et multiples, la recherche est présentée comme une réflexion en mouvement. Elle s'organise à partir des cahiers et des blogues. L'idée de section est importante dans le travail d'écriture ainsi que dans le travail d'atelier. Le projet d'exposition a été réfléchi à la manière d'un livre d'artiste, avec des sections qui structurent la narration de la fabrication d'un espace.
Par la suite, le mémoire aborde les notions et les réflexions engendrées par les différentes explorations. Par les Géosystèmes, j'ai envisagé la surface papier différemment. Cette réflexion prend en dialogue avec le travail de Rober Racine sur les Pages-Miroir. Par le pliage de papier imprimé, j’ai tenté de créer des systèmes organiques. Ce premier projet fut soldé par un échec ce qui me porta à considérer la documentation différemment. Les images photographiques et vidéographiques m’ont fait envisager d’autres possibilités matérielles. L’image devenait la trace d’un processus; elle bouge, met la pensée en mouvement.
Tout au long de l’exploration l’Échec de la montagne, j’ai poursuivi cette réflexion en créant des animations en stop motion réaliser avec des papiers dessinés et froissés. J’ai questionné notre manière de percevoir la représentation d’éléments paysagers en m’appuyant partiellement sur la notion du protopaysage élaborer par Augustin Berque et sur le travail de Maya Lin. Le paysage est une impression subjective; nous donnons une valeur paysagère aux éléments qui nous entourent pour leur donner forme et sens.
Par l’exploration du Paysage Digital, j’ai abordé le dessin comme une forme de réflexion dans l’action. Par la répétition du geste, celui de dessiner, la ligne devient une métaphore de la nature. Ce travail pose des filiations conceptuelles avec le travail d’Agnes Martin et propose une réflexion sur l’hybridation des surfaces et des interfaces dans la création d’une représentation. Ces deux notions convoquent l’idée d’une relation entre deux espaces, deux moments ou deux entités.
Dans le courant de la recherche, j’ai poursuivi l’élaboration de modules en papiers imprimés. Après plusieurs expérimentations, la forme des quatre coins, communément appelés coincoin, s’est révélée être la plus efficace pour réaliser le projet. Par un pliage simple, la forme produit quatre pointes. Elle est également empilable, emboîtable, malléable. Pour le projet La débâcle, j’ai cherché à créer une modélisation d’un espace, une géométrisation du réel. Par des opérations de brouillage et de géométrisation de la représentation de la nature inspirées de la théorie des fractals de Maldenbrot et des modèles d’organisation spatiale en cartographie, je crée des espaces métaphoriques de la construction du monde. De l’unité à la surface, l’installation se présente alors à la manière d’un parcours modélisé. Mais suite à tout ce travail de l’espace, un retour à l’image est-il possible?
Au fil de la recherche, le projet d’exposition s’est révélé être une réflexion sur les processus de disparition et de représentation d’éléments paysagers, plus précisément sur la représentation d’un glacier en lien à sa disparition. L’exposition s’est construite comme un parcours. L’interprétant doit se déplacer pour saisir les multiples points de vue et réseaux de sens d’une pièce à l’autre.
Le parcours débute dans la première salle avec La débâcle (version 3), une installation évolutive composée de 4000 modules imprimés dans une variante de douze densités de lignes. La sédimentation des lignes propose un jeu perceptif qui bouleverse notre rapport aux distances, aux notions d’échelle. L’oeuvre impose un rapport tactile inhabituel. La question du rapport tactile et de la gradation se poursuit dans l’image accrochée dans la même salle. Indice du plan gris propose la systématisation d’une forme organique par une gradation arbitraire des niveaux de densités composant l’image. Cette oeuvre est une trace réflexive, un indice du processus de création de La débâcle.
L’exposition se poursuit dans la deuxième salle. Linéament (version 2) est une installation qui propose une forme hybride entre matérialité et immatérialité, forme et ligne, disparition et apparition. L’oeuvre agit à la manière d’une forme hypnotique qui se brise lorsque nous entrons dans la zone de projection. L’oeuvre nous révèle alors à nous-mêmes. Dans la même salle, Images Schéma, un dyptique vidéo présenté de manière stéréoscopique, poursuivent cette réflexion de représentation en lien à son effacement. Ces deux captations de dessin présentent la trace de multiples séances d’improvisation de dessin réalisées à partir d’une tablette graphique et d’un ordinateur.
L’ensemble des oeuvres se présente à la manière d’un processus de fabrication et de perception pour évoquer la modélisation d’un espace abstrait. La débâcle et de Linéament sont à la fois des expériences visuelles et kinesthésiques qui modifient notre rapport à l’espace de la galerie, à notre manière d’y circuler.
Tout au long du projet, ma recherche était davantage axée sur le regard et la représentation. Le défi de cette recherche était de faire coïncider les idées et les formes, les motifs et les structures pour arriver à créer un réel échange de propriétés entre les différentes matérialités. Pendant l’accrochage, des enjeux spatiaux et temporels inhérents aux oeuvres installatives ont révélé de nouvelles pistes de réflexion: lien du corps à l’espace, sensation tactile de la matière, relativité de la forme par des effets de proximité et d’éloignement, de flou et de précision géométrique. La répétition des gestes et le mouvement influencent le rapport à la temporalité. L’action du pli permet d’étirer le temps et l’espace en créant un effet de gradation et de mouvement arrêté. L’image est aspatiale et temporelle. L’installation me permet de faire image, d’habiter l’image.
À suivre...
Le bilan est accompagné de photographies du démongage de l'exposition Inlandsis, la disparition d'un imaginaire présenté à la galerie Les Territoires du 12 au 27 novembre 2010.
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